Le Seuil sans Nom
- Kiosho charly
- 4 mai
- 2 min de lecture
Et si le temps n’était qu’un décor peint sur la paroi vacillante de nos certitudes ? Une fiction bienveillante, tendue comme un voile sur l’inconnu, pour apaiser nos esprits en cavale, affamés de repères. Le passé n’est plus qu’un soupir fossilisé, le futur un mirage de buée sur la vitre des attentes. Quant au présent… ce n’est ni une halte ni un fil, mais une ouverture un seuil sans nom, entrouvert dans le silence.
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Ce seuil ne s’atteint ni par l’horloge ni par la pensée, mais par l’intime frisson du souffle. Car chaque respiration, lorsqu’on la reçoit sans hâte, devient offrande. Elle déploie sous nos pas d’aveugle un tapis d’instantanéité. Là, dans cette suspension sans contours, il n’est nul besoin de comprendre, encore moins de déchiffrer il suffit d’être. D’effleurer le réel comme on effleure un rêve au bord de l’éveil.
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Mais l’instant est un feu-follet. Sitôt perçu, il se délite. Il fond dans la paume de l’âme comme neige sur la joue. Déjà il s’effiloche en souvenir, se teinte de réminiscence, devient trace, empreinte, murmure. Et l’âme, sans même s’en aviser, glisse vers un avenir incertain, frangé d’ombre et d’attente. Car vivre, c’est consentir à voir s’éteindre ce qui vient d’être, et tendre vers ce qui n’est pas encore.
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Le présent n’est pas un lieu où s’arrêter. Il se consume dès qu’on le touche, comme une braise fragile dans le creux des mains. Et pourtant, c’est là dans cette brûlure douce d’exister que tout s’éclaire.
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La pensée, noble et précise, peut interroger, disséquer, bâtir ses cathédrales d’idées. Mais elle demeure hors d’atteinte du sanctuaire. Car ce qui se vit avant elle dans l’invisible premier battement ne se capture ni ne s’explique. Derrière l’élan, il y a un silence plus vaste que le verbe, une paix vêtue de rien, que la langue effleure sans jamais l’atteindre. Ce que nous appelons « présent » n’est pas un moment, mais une conscience. Une absence de distance. Un souffle d’or entre l’être et le monde.
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Alors peut-être faut-il cesser de courir après le temps, comme on cesse de poursuivre son ombre. Il ne s’agit pas de le comprendre, mais de s’y dissoudre. Non pas penser le présent, mais s’y incliner. Laisser mourir le besoin de savoir, pour qu’enfin naisse le pouvoir de voir. Non pas retenir ce qui fuit, mais embrasser la fuite elle-même comme on accueille l’éphémère pour deviner l’éternel.
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